Par Pascale Voyer-Perron
Si vous êtes ici pour procrastiner en lisant sur la procrastination, vous êtes au bon endroit ! La procrastination, cette éternelle amie qui vous est sûrement familière au point d’avoir développé une relation aussi toxique que divertissante avec elle. Vous avez tenté de mettre fin à cette relation mais elle possède plus d’un tour dans son sac pour vous tenter ? Vous êtes probablement un serial procrastinateur et vous n’êtes pas seul ! La procrastination consiste à reporter une tâche à plus tard alors qu’on pourrait la faire immédiatement, qui est souvent accompagné de diverses pensées et émotions pas le fun : culpabilité, honte, remords, déception, frustration, etc. Cet article a pour objectif de creuser sur les causes de la procrastination et les solutions pour y remédier.
La plupart du temps, quand on parle de procrastination, on parle de comment celle-ci restreint la productivité. C’est souvent dans un contexte professionnel ou scolaire que celle-ci vient nous hanter. Par exemple, cela peut être de remettre ce rapport à plus tard, même si on sait que la date limite approche dangereusement, ou encore de remettre à plus tard la révision d’un examen et on se retrouve à réviser la veille jusqu’à 3h du matin. Familier ?
Il suffit d’une petite recherche sur un moteur de recherche ou le survol de quelques articles de blog sur le sujet pour se rendre compte à quel point la procrastination est associée à la productivité dans l’imaginaire collectif. La productivité étant une valeur centrale dans la société dans laquelle on vit, il est peu surprenant que la procrastination soit autant découragée. En effet, il s’agit d’un obstacle assez indésirable si l’on veut accomplir le travail qui nous est demandé dans les délais requis et d’une menace à l’image d’employé.e parfait.
Par contre, cela serait une erreur de ne réduire la procrastination qu’à la productivité. Effectivement, celle-ci pourrait également affecter le bien-être et la santé ! Les personnes qui font de la procrastination chronique sont plus à risque de vivre du stress chronique, d’avoir des symptômes dépressifs et anxieux, de développer des maladies cardiovasculaires et de l’hypertension, entre autres1. Pourquoi? Le stress chronique n’est pas bon pour la santé, jusque-là rien de nouveau, mais aussi parce que ces personnes sont plus à risque de reporter leurs rendez-vous médicaux ou l’établissement d’une nouvelle habitude de vie plus saine, ce qui peut avoir des répercussions négatives sur la santé physique. Les différentes émotions et pensées associées à la procrastination sont aussi compatibles à celles vécues dans les symptômes dépressifs et anxieux, ce qui peut contribuer à leur apparition et leur intensification2.
Bon, nous avons compris jusqu’à maintenant que la procrastination n’est pas bénéfique pour qui que ce soit. Mais d’où vient ce comportement qui est pourtant indésiré? Une partie de la réponse se trouve dans le cycle affectif impliqué dans la procrastination. La recherche sur la procrastination montre l’existence d’un cercle vicieux entre les comportements de procrastination et un ensemble d’émotions négatives, ce qui a pour effet de créer une dynamique où ces deux éléments s’encouragent et se stimulent mutuellement3.
Comment ce cycle se produit? Commençons avec l’effet des émotions négatives. Celles-ci sont associées à une certaine tâche à faire. Prenons l’exemple tout simple de prendre rendez-vous chez le dentiste. On n’a peut-être pas vraiment envie de téléphoner, parce que cela nous rend nerveux. On n’a pas plus envie de prendre rendez-vous, parce qu’on sait l’inconfort que l’on peut vivre alors qu’on se fait jouer dans la bouche. En plus, on se doute qu’on a probablement une carie ou deux, ce qui nous fait sentir complexé et un peu honteux. Bref, cet amas d’émotions négatives et de pensées pessimistes nous rebute à compléter la tâche de prendre rendez-vous chez le dentiste. On procrastine, on repousse sans cesse le moment où on appellera la clinique dentaire.
À son tour, la procrastination génère des émotions négatives. On peut se juger ou se critiquer de ne pas être capable de régler une tâche aussi simple. On peut se percevoir comme lâche ou incapable. Une certaine anxiété constante va demeurer quand on pense à la tâche à faire, ce qui nous retiendra à son tour à passer à l’action. C’est ça, le cycle entre la procrastination et les émotions négatives. Plus on vit des émotions négatives, plus on procrastine, plus on vit des émotions négatives.
Est-ce que ça fait de nous quelqu’un de lâche ou mauvais? Bien sûr que non! Ce cycle est irrationnel certes, mais il s’agit d’un mécanisme de défense parmi d’autres permettant de gérer son stress ou ses émotions négatives4. Il faut surtout éviter d’attribuer la procrastination à une gestion du temps déficiente, car comme vous pouvez le constater, c’est plus compliqué.
Le travail est une valeur centrale dans nos sociétés occidentales d’aujourd’hui et la réussite professionnelle d’autant plus. Avec autant de pression mise sur le travail, on peut facilement comprendre en quoi la procrastination est reliée au perfectionnisme. Prenons par exemple cet examen de statistiques à la fin du mois que vous redoutez tant. Vous voulez naturellement avoir une bonne note. Toutefois, la pression que vous vous infligez pour avoir une bonne note est telle que les enjeux derrière ce simple examen de statistique grossissent proportionnellement aux attentes que vous vous mettez sur les épaules.
L’anxiété devient vite désagréable et vous recourez à des méthodes aussi diverses que variées pour faire diminuer cette anxiété : la procrastination. Probablement que lire un livre sur la procrastination vous permettrait de vous mettre dans de bonnes dispositions pour réviser. Il se pourrait que vous soyez en train de trouver un prétexte pour ne pas vous y mettre.
Pourquoi ? Et bien, les individus ayant tendance à faire du perfectionnisme accordent leur valeur personnelle à la qualité du travail qu’ils rendent. Grossièrement dit, “si je suis une bonne personne je dois avoir une bonne note”. Au final, ce qui ne devait être qu’un simple examen de statistique devient un examen de votre estime personnelle.
La procrastination protège aussi l’estime personnelle de deux manières. Si vous obtenez une mauvaise note, vous vous direz que c’est parce que vous avez commencé vos révisions trop tard mais si vous aviez eu plus de temps vous auriez sûrement eu une bonne note. À l’inverse, si vous avez une bonne note, votre ego n’en sera que plus enflé par la performance que vous avez accompli malgré le manque de temps. Pratique ! C’est un cercle vicieux dont il faut prendre conscience 5.
Mettons quelque chose au clair : votre travail n’est pas une représentation de votre valeur personnelle ! Plus tôt on l’intègre, mieux notre productivité et notre estime personnelle se portent. Notre valeur en tant que personne ne dépend pas de nos performances professionnelles mais de nos qualités humaines telles que l’honnêteté, la sincérité, l’authenticité, la patience, la générosité, l’altruisme, etc.
Je me permets de conclure sur une note personnelle, plus précisément sur un truc qui s’est révélé bien efficace dans mon cas concernant la procrastination : l’accepter. Et non, je n’ai pas trouvé le secret pour éliminer complètement la procrastination, mais j’ai réussi à bien cohabiter avec elle afin d’être davantage en paix avec celle-ci. En réalisant que je ne pouvais pas faire autrement, je me suis donné des outils pour réussir à compléter mes différentes tâches tout en me donnant l’espace pour procrastiner. En voici quelques exemples :
1https://www.nytimes.com/2019/03/25/smarter-living/why-you-procrastinate-it-has-nothing-to-do-with-self-control.html
2 https://www.psychologytoday.com/ca/basics/procrastination
3Pychyl, T. A., & Sirois, F. M. (2016). Procratination, Health and Well-Being. Récupéré sur https://doi.org/10.1016/C2014-0-03741-0
4https://portage.ca/fr/blogue/voir-autrement-procrastination/
5Voge, N. (2017). Self Worth Theory: The Key to Understanding & Overcoming Procrastination. TEDxPrincetonU. [Youtube vidéo].
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