By Pascale Voyer-Perron
De plus en plus, le discours dominant de notre société encourage le dialogue sur la santé mentale. Probablement plus que jamais auparavant, il est possible de discuter des défis psychologiques que l’on vit et d’aller chercher de l’aide pour les surmonter. De plus, les utilisateur.rice.s de services en santé mentale sont protégés par la loi, afin de recevoir les meilleurs services tout en étant traités avec dignité. Malheureusement, dans l’histoire de la psychiatrie et de la psychologie, ça n’a pas toujours été le cas. Les droits des usagères et usagers des services en santé mentale ont grandement évolué à travers les époques. Dans cet article, nous vous offrons un tour d’horizon de cette évolution, ainsi que la situation actuelle au Québec.
L’établissement des premiers asiles au Québec se fait dans la seconde moitié des années 18001. En consultant la littérature sur la vie en asile, on est tout de suite frappé par le vocabulaire utilisé à cette époque. On parle alors d’aliénation, d’internement, des fous, des malades mentaux et d’autres mots inacceptables et dépassés de nos jours2.
Dans ce temps, l’asile était un lieu où on accueillait non seulement les personnes souffrant de troubles de santé mentale, mais aussi des personnes faisant partie de divers groupes en marge de la société : travailleuses du sexe, personnes alcooliques, personnes vivant avec une déficience intellectuelle, les personnes ayant une dépendance aux drogues, etc. Bref, toutes personnes qui violent les règles sociales et morales du temps sont internées dans ces institutions pour y être « soignées ». De la fondation de ces asiles jusqu’à la deuxième guerre mondiale, c’est cette mentalité qui règne1.
Les asiles étaient généralement éloignés géographiquement, isolés de la population générale et des autres services de santé existants. Ils avaient également le monopole des services psychiatriques et peu (voire aucun) de services n’existaient dans la communauté3.
Suite à la Deuxième Guerre mondiale, la situation des instituts psychiatriques évolue. Dès les années 50, un discours émergeant condamne le fonctionnement de ces institutions et de la psychiatrie en général. Des psychiatres-penseurs de l’époque dénoncent les traitements subis par la population asilaire. Les méthodes utilisées sont intrusives et « brisent » ces individus pour que ceux-ci cessent leurs comportements marginaux et soient plus faciles à gérer(4).
Le système d’asile est donc aboli. Les pratiques du même coup changent et sont désormais fondées sur la science et les données disponibles, permettant ainsi d’améliorer l’efficacité des traitements(4).
Une grande mise à jour de l’organisation des services en santé mentale s’amorce à la fin des années 80 avec de nouvelles politiques. La concertation entre plusieurs acteurs est privilégiée, soit entre les établissements publics, les organismes communautaires et les ressources privées, afin de fournir une offre de services complète et complémentaire.
Des principes émergent de ces changements, soit celui de la primauté de la personne, l’amélioration des services et une meilleure équité d’accès à ceux-ci. On assiste à un mouvement de désinstitutionalisation. Les personnes précédemment condamnées à l’asile retrouvent la vie hors de ces murs et développent leurs habiletés grâce à l’augmentation des ressources communautaires. Elles reçoivent donc davantage de soutien de leur milieu et de leur entourage. Le résultat de ces efforts se traduit par une plus grande acceptabilité sociale de la maladie mentale, qui est maintenant mieux comprise et émerge une volonté d’aider les proches qui en souffrent (5).
De nos jours, il existe la Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSSS), qui a pour objectif premier « le maintien et l’amélioration de la capacité physique, psychique et sociale des personnes d’agir dans leur milieu et d’accomplir les rôles qu’elles entendent assumer d’une manière acceptable pour elles-mêmes et pour les groupes dont elles font partie »6. En d’autres mots, cette loi a pour ligne directrice de permettre à chacun.e des usager.ère.s d’améliorer leur condition tout en exerçant leur autonomie et leur pouvoir d’agir. Entre autres, celle-ci définit les 12 droits que tous les usagers possèdent et pouvant être exercés. Pour plus de détails à leur sujet, visitez l’un des deux liens suivants :
Vous pouvez également recevoir des services variés de la part de certains acteurs dont leur mission est de favoriser la protection du public dans les services en santé mentale et faire la promotion de leurs droits : comités d’usagers, commissaire aux plaintes et à la qualité des services, centres d’assistance et d’accompagnement aux plaintes, organismes de défense des droits des usagers, protecteur du citoyen du Québec, entre autres. Faire appel à ces organismes vous permet de recevoir de l’information et du soutien dans vos démarches au besoin. Les deux liens suivant vous donnent des exemples de comment faire valoir vos droits :
1 Perreault, I. & Thifault, M.-C. (2012). Les Soeurs de la Providence et les psychiatres modernistes : enjeux professionnels en santé mentale au Québec, 1910-1965. Études d’histoire religieuse, 78(2), 59–79. https://doi.org/10.7202/1013044ar
2 Poulin, C. & Lévesque, M. (1995). Les représentations sociales des étiquettes associées à la maladie mentale. Santé mentale au Québec, 20(1), 119–136. https://doi.org/10.7202/032336ar
3 Richman, A., Psychiatrie (2013). Dans l’Encyclopédie Canadienne. Repéré à https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/psychiatrie
4 Perreault, I. (2015). La folie, c’est de n’avoir pas d’autres normes que soi-même : la psychiatrie au cours de l’après-guerre au Québec. Santé mentale au Québec, 40(2), 51–63. https://doi.org/10.7202/1033041ar
5 http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cs/s-4.2
6 Gagné, J. & Dorvil, H. (1997). Grandes tendances et renouvellement des pratiques en santé mentale (1988-1997) : pour une mise à jour de la politique de santé mentale du Québec. Nouvelles pratiques sociales, 10(1), 29–41. https://doi.org/10.7202/301382ar
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