By Pascale Voyer-Perron
Au cours des derniers mois, la demande pour les services en santé mentale a bondi (pour les raisons qu’on connaît). Une ressource qui est devenue très populaire pour pallier la forte demande est celle de l’autosoin. C’est particulièrement le cas dans le secteur public, où cet outil s’intègre aux services offerts en santé mentale depuis la fin de l’année 20201. Certains la vantent comme une solution pour offrir plus rapidement des services à la population, alors que d’autres se méfient que celle-ci ne remplace le suivi avec un.e intervenant.e. Cela dit, beaucoup de points de vue circulent sur l’autosoin. Faisons aujourd’hui le tour de la question afin que vous puissiez vous faire votre propre opinion.
Qu’est-ce que l’autosoin?
L’autosoin se définit comme “l’ensemble des actions qu’une personne met en place pour avoir un certain contrôle sur sa santé par l’adoption de comportements qui diminuent les symptômes contribuent à la prévention des rechutes et améliorent son bien-être au quotidien2 ». C’est un terme qui est utilisé autant en santé physique qu’en santé mentale. Pour illustrer concrètement ce qu’est l’autosoin, prenons l’exemple bien connu du diabète. L’autosoin fait partie intégrante de la vie des personnes vivant avec le diabète. Dans leur quotidien, ces personnes doivent gérer la maladie et ses symptômes par divers moyens : « de saines habitudes alimentaires, un programme régulier d’exercices physiques, une gestion du poids […]»3. Ces petites actions régulières d’autosoin contribuent au maintien d’une qualité de vie malgré les contraintes imposées par la maladie.
En psychologie, l’autosoin se présente traditionnellement sous forme de livre contenant des informations sur la problématique que l’utilisateur.trice souhaite travailler, ainsi que des exercices et des stratégies. Ces livres sont généralement proposés par des professionnel.le.s à leurs client.e.s lorsque cela est pertinent. La personne peut donc s’éduquer davantage sur ses symptômes, mettre en pratique les exercices proposés et recevoir de l’accompagnement de leur intervenant.e pour éventuellement améliorer leur situation et aller mieux. Concrètement, l’autosoin peut se dérouler de la manière suivante. Une personne vit beaucoup d’anxiété récemment. En général, un outil s’autosoin va d’abord lui présenter ce qu’est l’anxiété et les symptômes physiques et psychologiques qu’elle peut entraîner. Ensuite, des exercices lui seront proposés. Par exemple, il pourrait y avoir un exercice de reconnaissance des situations anxiogènes. Finalement, la personne apprendra des stratégies pour mieux affronter les situations pouvant causer de l’anxiété.
Récemment, l’autosoin semble s’être grandement démocratisé. Les formes sous lesquelles elle se présente sont variées : guides, formations en ligne, vidéos, habitudes de vie, coloriages, etc. Les auteur.rice.s de ces outils peuvent être des organismes publics, des organismes communautaires, des professionnel.le.s, des universités, etc. Certaines formules comprennent des rencontres de groupe en plus du cheminement autonome. On peut voir cela comme une variété de formats permettant de répondre à toutes les préférences. Il faut toutefois faire attention : ce ne sont pas tous les outils d’autosoin qui sont validés empiriquement. Cela signifie que leur effet n’a pas été évalué avec des méthodes objectives et scientifiques, de fait nous ne connaissons donc pas leur véritable efficacité.
Justement, parlons-en de l’efficacité de l’autosoin!
Comme mentionné plus tôt, les outils d’autosoin ne sont pas tous égaux et n’ont pas tous fait l’objet d’études approfondies. Bien sûr, ce n’est pas parce qu’un outil d’autosoin n’est pas validé qu’il est inefficace. Il peut quand même être aidant, mais il faut relativiser l’effet qu’il peut produire. Du côté de la recherche, plusieurs traitements d’autosoin se révèlent particulièrement efficaces pour la dépression et l’anxiété4. Il est important de noter que leur efficacité augmente lorsque l’autosoin est accompagné d’un suivi régulier4 avec un professionnel.
Dans la consultation d’outils d’autosoin, un point important est la provenance des informations que ceux-ci transmettent. Comme nous l’avons dit plus tôt, la mode est à la création d’outils d’autosoin ce qui implique l’arrivée d’un bon nombre de méthodes peu recommandées qui peuvent s’avérer néfastes. Tout le monde semble produire son outil d’autosoin ces temps-ci. Il est donc primordial de vérifier au minimum si les informations qui nous sont transmises sont crédibles. Un bon indice est de regarder qui a créé l’outil. Souvent, les auteur.trice.s présentent leurs titres et leurs expériences pertinentes. Des institutions comme des hôpitaux ou des universités qui y sont rattachés peuvent également augmenter la crédibilité d’un outil d’autosoin. D’un autre côté, même si un outil peut sembler moins crédible, cela ne veut pas dire pour autant que les stratégies proposées sont nocives. Toutefois, celles-ci ne sont peut-être pas celles prouvées comme efficaces scientifiquement par la science et donc être moins pertinentes.
Maintenant que l’on connaît un peu mieux leur univers, que conclure de l’autosoin? Un élément important à retenir selon moi est que l’autosoin peut être une option intéressante, mais il ne remplace pas la psychothérapie, le suivi d’un.e intervenant.e ou la médication. Quand on a besoin d’aide et qu’on est prêt.e. à aller la chercher, le contact avec un.e intervenant.e a une réelle valeur. Certaines situations demandent aussi une plus grande prise en charge et un suivi régulier. D’ailleurs, si vous êtes déjà suivi par un.e intervenant.e, un.e médecin, un.e psychologue ou autre professionnel.le, n’hésitez pas à leur poser des questions sur l’autosoin afin d’évaluer quelle est la meilleure option pour vous.
Aussi, il s’agit d’un outil demandant de l’autonomie et ce n’est pas toutes les situations qui le permettent. C’est comme un programme d’entraînement à suivre à la maison : il peut être difficile de le suivre régulièrement, à la lettre. Cela peut même être culpabilisant! Il faut donc revoir ses attentes envers ces outils, prendre ce qui fonctionne bien pour soi et laisser tomber ce qui l’est moins.
Aux liens suivants, découvrez quelques exemples de ce qu’il se fait en termes d’autosoin :
Guide d’autosoins pour la gestion du stress par Gérard Lebel : https://medfam.umontreal.ca/wp-content/uploads/sites/16/Guide-autosoins-pour-la-gestion-du-stress.pdf
Aller mieux… à ma façon (anxiété, dépression et trouble bipolaire) : https://allermieux.criusmm.net
Surmonter la dépression (dépression post-partum) : http://www.sfu.ca/content/dam/sfu/carmha/resources/ppmd/DepressionWorkbookFinalFR_14JL23.pdf
Gestion des émotions pour les enfants/adolescent.e.s (TDAH) : http://www.attentiondeficit-info.com/pdf/gestion-emotions-enfant-adolescent.pdf
Développer des stratégies pour surmonter la dépression : Guide destiné aux adultes par l’Université Simon Fraser : https://medfam.umontreal.ca/wp-content/uploads/sites/16/Guide-dautosoins-pour-la-dépression-adultes.pdf
1https://www.quebec.ca/sante/conseils-et-prevention/sante-mentale/programme-quebecois-de-psychotherapie-pour-les-troubles-mentaux-pqptm/
2Houle J, Coulombe S, Radziszewski S, et al. (2015). Aller mieux à ma façon : Fondements et principes d’utilisation. Montréal : Laboratoire Vitalité. p 2.
3Lafontaine, S. & Ellefsen, É. (2017). Difficultés liées à l’autosoin chez les personnes vivant avec le diabète de type 2 : une revue de la littérature narrative basée sur le modèle d’Audulv, Asplund et Norbergh. Recherche en soins infirmiers, 1(1), 29-40. https://doi.org/10.3917/rsi.128.0029
4Gellatly, J., Bower, P., Hennessy, S., Richards, D., Gilbody, S., &Lovell, K. (2007). What makes self-help interventions effective in the management of depressive symptoms? Meta-analysis and meta-regression. Psychological Medicine, 37(9), 1217-1228.
Powered By Impressive Business WordPress Theme