« Gardez-vous de la jalousie, surtout des excès qu’elle entraîne ».
Ce vieux proverbe français illustre ce qui nous vient spontanément à l’esprit lorsque l’on aborde le sujet de la jalousie: les passions. Définir une jalousie « normale », dépourvue de ses seules réactions excessives, relève d’un véritable défi conceptuel. De nombreuses personnes ne considèrent pas la jalousie comme un obstacle à la vie conjugale, mais comme une forme d’engagement. Vous trouviez peut-être cela mignon au début de la relation quand il/elle se montre jaloux quand vous parliez à un.e ami.
La jalousie se situe sur un continuum allant de la jalousie « normale », dite positive, à la jalousie pathologique. Lorsqu’on parle de jalousie positive, on entend par là que celle-ci donne l’opportunité d’ouvrir à la communication et de considérer l’importance de la relation. Démystifier une telle attitude et les distinguer des formes abusives et pathologiques de la jalousie constitue donc le sujet de cette capsule.
Ce qu’on entend par « jalousie normale »
La jalousie est une émotion complexe qui est caractérisée par des manifestations comportementales propre à chacun et influencée par la culture. Celle-ci est considérée sous l’angle de son lien avec l’historique des relations amoureuses passées de l’individu et des situations spécifiques, et elle ne peut donc pas être réduire à une tonalité affective unidimensionnelle.
On définit la jalousie comme une perception de menace à la relation par un rival supposé ou légitime. Il y’a jalousie lorsqu’on tient à son/sa partenaire et qu’on a l’impression qu’on peut le/la perdre au profit d’une autre personne. Ce sentiment n’a pas nécessairement de conséquences négatives puisqu’il permet aussi de réaliser l’importance du partenaire dans notre vie. Généralement, les individus ayant une saine jalousie ne tiennent pas leur partenaire pour acquis et vont s’impliquer davantage dans la relation pour qu’elle soit plus satisfaisante. L’éventualité de perdre sa tendre moitié oblige à faire le bilan de la relation pour déterminer les aspects positifs et négatifs de la relation afin de travailler sur certains de ces points.
Ainsi la jalousie a cela de « positif » qu’elle permet de mettre ou de remettre à l’avant-plan l’importance d’une relation. De même, elle peut être le signal qu’une relation à laquelle on tient se fragilise ou est menacée au profit d’un rival qui possèderait des qualités enviables du point de vue de la personne jalouse. L’expression positive de la jalousie peut mettre en place un espace de dialogue où il est possible de faire part de ses craintes à la personne chère. Ce terrain d’échange se doit d’être constructif et basé sur l’ouverture à la communication, où la personne jalouse peut être rassurée par la personne chère. Toutefois cette réassurance ne doit pas lui être exigée (ex. : demander à son/sa partenaire de ne plus parler à la personne qui suscite la jalousie). Exiger une réassurance représente plutôt une jalousie abusive et la distingue de la jalousie normale et de son expression positive pour un couple.
Ce qu’on entend par « jalousie abusive »
La jalousie peut entrainer des comportements humiliants pour l’individu qui en souffre et nuisibles. Questionner inlassablement, surveiller son téléphone, exiger des preuves d’amour, etc. Tous ces comportements sont des tentatives désespérées pour restreindre la liberté de l’autre. La personne jalouse espère apaiser ses craintes d’être remplacée, mais cette technique, qui peut être efficace sur le moment, risque de mettre le couple en péril. En général, le partenaire adoptera sans doute une attitude réconfortante au début dans les premières manifestations de la jalousie. Mais il/elle va réaliser que peu importe ce qu’il dit ou fait, les comportements jaloux demeurent. À terme, les accusations et les doutes finiront par user sa patience et à l’éloigner. C’est un cercle vicieux où le partenaire jaloux s’enfoncera toujours plus dans sa peur d’être abandonné/remplacé.e. En contrepartie, il est à signaler que si l’expression de la jalousie est valorisée par le/la partenaire, cela peut laisser place à des comportements abusifs, si l’individu a des prédispositions et si une aide extérieure n’est pas accessible et valorisée. Qu’on s’entende les comportements de jalousie ne sont pas une preuve d’amour !
On distingue communément quatre formes de jalousie :
- La jalousie réactive qui est une réponse négative à l’engagement émotionnel ou sexuel du partenaire avec une autre personne (ex. : ça ne me tente vraiment pas que mon chum voie son amie)
- La jalousie préventive qui se traduit par l’effort de prévenir un contact intime du partenaire avec une tierce personne (ex. : je vais le supplier d’aller au cinéma avec moi à la place)
- La jalousie anxieuse qui s’exprime par une anxiété obsessionnelle liée à la possibilité de l’infidélité du partenaire. (ex. : je devrai peut-être arrêter de le suivre en voiture)
Ce qui est touché avec la jalousie, même la plus normale, c’est avant tout l’estime de soi, c’est-à-dire quelles évaluation ou jugement j’ai de ma propre personne. Contrairement à la confiance en soi, bien que reliée, qui correspond à des capacités plutôt qu’à des valeurs. C’est ainsi que l’intensité de la jalousie est proportionnelle à la faiblesse ou la fragilité de l’estime de soi, facteur central dans le développement des stratégies de gestion contrôlantes et potentiellement abusives de la jalousie. Quand la jalousie devient abusive, l’estime personnelle est souvent fragilisée et l’individu ressent une crainte excessive d’être abandonné qui se manifeste par l’exigence d’une possession exclusive. Ainsi, la menace de perdre une relation privilégiée au profit d’un rival avec qui on ne se sent pas de pouvoir rivaliser peut mener à un sentiment d’infériorité très fort.
Sur le plan des prédispositions et fragilités, certains facteurs dans l’histoire personnelle des individus contribuent au développement de comportements de jalousie abusive pouvant aller jusqu’à la pathologie :
- Une sensibilité précoce au rejet étant enfant
- Des relations précoces froides et distantes dans la famille
- Des rivalités dans la fratrie
- Le fait d’avoir subi un traitement différé de la part des parents au profit d’autres enfants
- Avoir été excessivement jaloux lors de l’adolescence
- Antécédents d’infidélité dans les relations passées, qu’elles soient commises ou subies
Ces facteurs peuvent avoir un effet délétère sur le développement de l’estime personnelle. Les antécédents d’infidélité dans les relations amoureuses passées sont vécus comme des traumatismes pour l’estime personnelle, qu’ils aient été subis ou commis par l’individu jaloux. Et oui, une personne qui présente des comportements de jalousie peut craindre que sa ou son partenaire reproduise ses propres comportements.
Le cercle vicieux de la personne jalouse
En sommes, peu importe la cause de la jalousie, on peut facilement imaginer l’ambiance paranoïaque qui peut s’installer progressivement dans le couple. Ce cercle vicieux participe à un climat d’incertitude qui contribue à l’insécurité et à la méfiance de la personne jalouse qui finit par étouffer son/sa partenaire. Face à une menace impliquant un rival supposé ou légitime, on peut observer trois formes de réactions:
- La demande de réassurance.
Dans le premier, lorsque la personne jalouse fait face à une situation de menace supposée, elle demande à sa ou son partenaire une forme de réassurance en réaffirmant ses sentiments à son endroit ou en démontrant son engagement quant à leur relation. Si cette attitude est d’abord favorable à rétablir un climat d’engagement et de certitude dans le couple, cette réassurance, si elle ne suffit pas pour rassurer la personne jalouse, devient rapidement difficile à supporter pour le ou la partenaire. Un climat d’incertitude s’installe progressivement dans la relation, à mesure que la détresse de la personne jalouse perçoit un risque légitime ou non.
- L’hypervigilance
Le deuxième cas est conséquent au premier: la personne qui ne réussit plus à se faire rassurer par sa partenaire devient hypervigilante face aux indices pouvant être interprétés comme des menaces à la relation. La personne jalouse se met à croire qu’elle peut prévenir l’infidélité en se préparant au pire, ce qui ne fait qu’augmenter l’inconfort ressenti par l’autre. On peut dire que la personne jalouse met en exécution sa prophétie autoréalisatrice.
- Des stratégies d’adaptation abusives
Enfin, à défaut que les deux dernières stratégies aient réussi, la personne jalouse met en œuvre des stratégies d’adaptation abusive face à des suspicions grandissantes. À ce stade, la personne jalouse cherche à gagner du contrôle et à découvrir « ce qui se joue dans son dos ». Résultat, il y’a davantage de conflits menant à encore plus d’insécurité dans la relation. Ces stratégies peuvent se manifester par un dénigrement du supposé rival, du chantage affectif, des moyens pour contrôler ses comportements et possiblement des gestes de violence envers son/sa partenaire et/ou le rival ou même envers soi-même. Il est important de ne pas tomber dans cet engrenage dangereux.
Comment s’en sortir ?
En bref, la jalousie est un affect normal vécu depuis l’enfance qui prépare l’individu à vivre des relations amicales et amoureuses réalistes et à communiquer adéquatement face à des situations de rejet. Cependant, certaines difficultés dans l’histoire de vie et familiale contribuent au développement de formes excessives et possiblement abusives de jalousie. Une chose est claire, les comportements de jalousie abusive ne sont pas une preuve d’amour !
Pour les individus souffrants de telles formes de jalousie, il est important de comprendre qu’il n’est pas de la responsabilité de leur partenaire de les rassurer. Si la jalousie devient trop forte, il est bien d’en parler avec l’autre sans l’accuser et en exprimant ses craintes. Le/La conjoint.e n’a pas à se justifier face aux accusations, mais il/elle doit l’encourager à verbaliser ses émotions. Il faut éventuellement qu’il/elle comprenne que la possibilité de souffrir est indissociable de la relation amoureuse. Il faut apprendre à vivre avec l’incertitude tout en réalisant qu’il/elle a les ressources nécessaires pour composer avec une éventuelle rupture. Enfin, la personne jalouse doit tenter de découvrir le fond de son insécurité pour parvenir à la surpasser sans hésiter à aller chercher de l’aide !
Il existe différents services à cette fin. Les consultations conjugales sont fortement conseillées pour rétablir la communication au sein du couple. Néanmoins, il est aussi important que la personne ayant des comportements problématiques aille faire un travail individuel. Que vous soyez vous-même jaloux.se ou en relation avec une personne jaloux.se, Clic Aide offre des services de consultation conjugale. Il existe de nombreux autres services qui sauront vous offrir l’aide nécessaire :
Soutien professionnel :
Maison d’édition et de production de conférences et d’ateliers dans les domaines de la santé notamment, la psychologie, les relations homme-femme, les relations parents-enfants, la condition masculine.
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Ordre professionnel des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec
Montréal : 514-731-3925
Ligne sans frais : 1-888 731-9420
https://www1.otstcfq.org/
Ordre professionnel des psychologues du Québec
Montréal : 514-738-1223
Ligne sans frais : 1-800-561-1223
www.ordrepsy.qc.ca
Services gratuits orientés vers les hommes :
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- https://www.arrondissement.com/montreal/peressepares?subject=196&audience=4
Services gratuits orientés vers les femmes :
SOS – Violence conjugale
Ligne sans frais: 1-800-363-9010
www.sosviolenceconjugale.ca
Regroupement des maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale
Ligne sans frais: 1-800-363-9010
Fédération des maisons d’hébergement pour femmes
Montréal: 514-878-9757
www.fede.qc.ca
Violence conjugale – Service de police de la Ville de Montréal
Urgence : 9-1-1
De l’extérieur de Montréal : 514-280-2121
Info-Crime : 514-393-1133
www.spvm.qc.ca
Tel-jeunes
Montréal: 514-288-2266
Ligne sans frais: 1-800-263-2266
www.tel-jeunes.com
Félix Valois
